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Robots et corps mécaniques dans l'animation japonaise

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Ouverture

1. Astro Boy (1963) : la première série animée japonaise

Le petit robot Astro existait déjà sur papier avant de s’animer. Son père, Osamu Tezuka, surnommé au Japon “le dieu du manga”, lui donne vie dès 1951, et ses aventures sont publiées sous forme de bandes dessinées de 1952 à 1968. Astro évolue alors dans un monde futuriste, où humains et robots cohabitent dans une impressionnante mégalopole aux voitures volantes, situé en l’an 2003.

Une arme au cœur d’enfant :
La série paraît sur les écrans japonais en janvier 1963, sur Fuji TV. L’intrigue se démarque de celle du manga par sa noirceur : Astro est créé pour remplacer Tobio, le fils du docteur Tenma, décédé dans un accident de voiture. Incapable de grandir, il est vendu par son inventeur à un cirque où les robots sont maltraités, puis sauvé par le docteur Ochanomizu, qui le prend sous son aile tout au long de la série.
Doté d’un visage de poupon et d’un grand cœur, le petit Pinocchio japonais est une machine à la pointe de la technologie : vol grâce à ses réacteurs, endurance surhumaine, ouïe affûtée, puissance de 100 000 chevaux et armes à feu dans le dos... Ses sept pouvoirs font de lui une arme surpuissante. C’est toujours au service du Bien qu’est employée la force d’Astro, prêt au sacrifice pour sauver la Terre de la guerre, protéger la nature et combattre la discrimination, comme le confie son auteur, dont l’enfance fut marquée par la dévastation de la Seconde Guerre mondiale.

Du papier à l’écran :
Grâce à un long-métrage et quelques courts, Tezuka est déjà familier du monde de l’­animation japonaise. Pour animer son personnage, il créé son propre studio, Mushi production. Comparé à l’Occident d’alors, le japon est en retard dans son processus d’industrialisation et n’a encore diffusé aucune série animée à la télévision. Osamu Tezuka innove avec un rythme intense d’un épisode de vingt minutes par semaine, le nombre d’images par seconde passe de 12 (la norme télévisuelle) à 8, d’où un animation moins fluide, voire parfois très basique ! Combinée à une banque d’images réutilisables, cette méthode économique permet de produire 193 épisodes et s’impose comme modèle stylistique de l’animation japonaise.

La japanimation décolle :
Bien qu’on lui reproche une animation trop rudimentaire, Astro Boy lance la mode des séries japonaises : on en compte 6 l’année de sa sortie, 200 dans les années 70 et 400 dans les années 1980 ! La japanimation ou japanime (contraction des mots Japon et animation) est lancée.
Astro Boy connaît un remake en couleur, Astro, le Petit Robot (Shin Tetsuwan Atom) sorti en 1980 sur la chaîne NTV. Produit par Tezuka, il parvient en France en 1986 sur TF1 dans le Club Dorothée. L’animation est plus fluide et l’intrigue davantage centrée sur les capacités robotiques d’Astro. Notons qu’une troisième série, Astro Boy 2003, produite par divers studios japonais dont Tezuka Productions, est suivie en 2009 d’un long-métrage en animation 3D, Astro Boy, une coproduction américano-japonaise
2. Super robots : l'apparition du genre Mecha, armure robotisée

Populaire dès les années 1960, le thème du robot reflète les préoccupations de la société japonaise en plein progrès économique et technologique, mais encore traumatisée par la défaite de la Seconde guerre mondiale.

Géants et pop-culture :
La Seconde guerre mondiale a profondément marqué le Japon et son imaginaire. Les destructions par la bombe atomique engendrent une peur du nucléaire et l’occupation du territoire japonais par les Américains cristallise une méfiance envers tout envahisseur potentiel. Le cinéma donne forme à ces angoisses dès les années 1950 en développant la mode des films de monstres géants, les Kaiju Ega. Le plus célèbre est Godzilla (Gojira), reptile gigantesque apparu en 1954 sur les écrans, à la fois porteur de destruction et protecteur de la Terre. Il devient un emblème de la culture populaire nippone et influence la production animée.

Naissance du genre mecha :
Dans la foulée d’Astro Boy est produite en 1963 Testujin 28-go (L’Homme de fer numéro 28), adaptée d’un manga. Réalisée par Yonehiko Watanabe au studio Tele-Cartoon Japan, la série innove en mettant en scène un robot géant, Tetsujin. Créé durant la Seconde guerre mondiale, il a survécu aux bombes américaines. Plus tard retrouvé par Shotaro Kaneda, le petit-fils de son inventeur, il est commandé à distance par celui-ci, afin de lutter contre le Mal. Haut de plusieurs mètres, cadré en contre-plongée, ce robot au design rudimentaire est le premier représentant du genre “mecha”, sous-catégorie de l’animation japonaise, liée à la science-fiction et désignant les robots armés ou armures robotisées, souvent de grande taille et de forme humanoïde.

De Mazinger Z à Goldorak : les super robots évoluent :
Deux séries marquent un tournant dans le genre du mecha : Mazinger Z (1972) et Goldorak (1975). Issues du manga de Go Nagai, elles sont réalisées dans les studios Toei par Tomaharu Katsumata, associé sur Goldorak à Masayuki Akihi. Elles mettent en scène des super robots géants et surpuissants, dirigés par de jeunes héros amenés à sauver le monde. Première série dont les robots sont pilotés de l’intérieur, grâce à un engin volant s’encastrant dans la tête de la machine, Mazinger Z consacre le rapprochement entre pilotes et machines. Goldorak (Grendizer en VO, le robot OVNI) en est la suite et partage le même univers. Les ennemis sont désormais les monstres extraterrestres de l’armée de Véga au lieu de ceux du Dr. Hell. Le héros de Mazinger Z, Koji (Alcor), seconde le héros de Goldorak, Daisuke (Actarus). Mieux animée, peuplée de mechas plus complexes, aux formes diversifiées (soucoupes volantes, vaisseaux spatiaux...) pouvant s’emboîter et se combiner, Goldorak exprime la foi japonaise en ses nouvelles technologies.
Diffusé en 1978 sur Antenne 2, Goldorak est adopté par les jeunes Français. Malgré sa critique du totalitarisme et du militarisme, il est la cible d’associations françaises hostiles aux dessins animés japonais qui craignent leur mauvaise influence.
3. L'avènement des real robots : Mobile Suit Gundam, le mecha révolutionné

Créée en 1979 par Yoshiyuki Tomino et Hajime Yatate pour le studio Sunrise, Mobile Suit Gundam (Kidô senshi Gandamu) marque un tournant dans la japanime. Sur fond de guerres spatiales, pilotes et robots subissent un traitement nouveau.

L’avènement des reals robots :
Bien que le succès n’ait pas été immédiat, la série Mobile Suit Gundam est, depuis, devenue culte. Les jouets de la marque Bandaï ont suscité un regain d’intérêt du public pour cette série de ­science-fiction mettant en scène les “Gundam”, robots géants dirigés par des pilotes dans un cockpit, capables de se mouvoir sur Terre comme dans l’espace. En opposition aux super robots des autres séries, ils se distinguent en ce qu’ils sont moins puissants, et relégués au rang de simples armes au service des militaires. L’œuvre témoigne d’une volonté de réalisme, conservant des proportions humaines et une certaine vulnérabilité dans la représentation de ces machines. Pensés en accord avec l’évolution plausible de la science de l’époque, les Gundam fondent une nouvelle espèce de mechas dans la japanime, celle des real robots.

Un contexte militaire élaboré :
Les real robots de Gundam s’inscrivent dans un univers complexe, sur fond de guerre située en partie dans l’espace. Le conflit se déroule dans un futur lointain, opposant les indépendantistes du duché de Zéon et les forces fédérales de la Terre. Amuro Ray, jeune homme impliqué malgré lui dans le conflit, se retrouve pilote du prototype Gundam au service de la fédération, et intègre la lutte à bord du gigantesque vaisseau White Base sous les ordres de l’officier Bright. Une part importante du récit est accordée à la géopolitique et aux détails de stratégie militaire des deux camps, ainsi qu’à leur affrontement idéologique. A la différence des séries de mechas précédentes, les ennemis sont dépeints avec davantage de subtilité et de charisme. Les spectateurs ont ainsi beaucoup apprécié le personnage de Char Aznable.

Une vision humaniste :
Toujours dans un souci de réalisme, Mobile Suit Gundam met également l’accent sur la psychologie de ses personnages, aussi crédibles que les machines qu’ils dirigent. Leurs réactions diverses face à la guerre et ses dégâts tendent à faire de Gundam une œuvre critique envers le militarisme et l’impérialisme. Les conséquences des conflits sur les civils interpellent de nombreux personnages, dont Amuro, poussé à prendre position. Mobile Suit Gundam renouvelle ainsi le genre du mecha en développant le personnage du pilote à la fois brillant et responsable de son talent, tourmenté et rebelle, tiraillé entre peur et engagement. La série propose aussi une vision humaniste, à travers ses personnages surévolués et télépathes, les “newtypes”, qui se doivent d’élever l’humanité grâce à leurs pouvoirs surnaturels, plutôt que la diviser en sous-catégories.
4. Le robot et le marché du jouet japonais

La popularité des séries animées incite rapidement les créateurs de jouets à proposer des produits dérivés. Apparaît un véritable phénomène de société incarné par les otakus, terme inventé en 1983 et désignant les passionnés de culture japonaise repliés sur eux-mêmes, et devenus véritables acteurs économiques. En 2006, le marché mondial correspondant à ce public est estimé par certains à 34 milliards de dollars !

Quand l’industrie influence la production animée :
Fondée en 1950, la société japonaise Bandai est la première à s’inspirer d’un héros déjà existant en lançant un jouet Astro Boy. Afin de déployer toute une gamme de produits dérivés, la société investit financièrement dans la production pour créer plus d’épisodes. C’est également dans ce but que Bandai sollicite la création de la suite de Mazinger Z, Goldorak. Les multiples mechas de la série permettent toute une batterie de jouets reproduisant les diverses combinaisons de l’anime.
Bandai s’empare alors des licences de nombreuses séries mettant en scène robots et armures dont Goldorak, Saint Seiya et Mobile Suit Gundam. En 1982, la société crée la filiale Emotion, afin de développer les secteurs de l’animation et de la vidéo en son sein, ainsi que la vente des films.

Le Gunpla, jouet né de Gundam :
Inventé en 1980 et contraction de “Gundam plastic model”, le terme “Gunpla” désigne les maquettes de personnages ou véhicules issus de la franchise Gundam commercialisées par Bandai. Ironiquement, ce sont en partie les bonnes ventes de Gunpla qui ont permis la commande des trois films résumant la série culte, après l’arrêt de la série à la suite de son insuccès initial. Dans les années 1980, cette gamme s’étoffe. Pour les dix ans du Gunpla, Bandai lance un classement de kits, la ligne High grade, ainsi qu’une ligne de 130 Gunpla en 2002 pour la sortie de la série Gundam SEED. Le succès du Gunpla est tel qu’il domine le marché actuel du jouet au Japon et tend à désigner l’assemblage de maquettes en général.

Multiples produits dérivés :
A la diversité des séries animées mettant en scène des robots et mechas répondent diverses autres formes de produits dérivés, parfois proposés dans des “gashapon”, les machines à sous contenant des jouets. On recense un nombre impressionnant d’objets, allant de la figurine au gadget en passant par la ligne de parfum ou de vêtements à l’effigie des robots et pilotes de mechas préférés. La franchise Neon Genesis Evangelion s’illustre dans ce domaine. Elle possède même un magasin à Tokyo consacré à ses propres produits, l’Eva-Store.

Le phénomène Goldorak :
Ces produits sont également exportés en Occident. La France, deuxième pays le plus consommateur d’animation japonaise, est particulièrement friande de produits dérivés depuis le phénomène Goldorak. Les ventes de disques du générique français ont ainsi connu des records. En 1979, la “Génération Goldorak” peut admirer son héros et sa soucoupe gonflables, hauts de douze mètres, sur les parkings d’une chaîne d’hypermarchés.
5. Space opera et corps robotiques

Popularisé dès les années 1960 avec la série Star Trek et les films Star Wars, le space opera, sous-catégorie de la science-fiction, situe des aventures épiques ou dramatiques dans un cadre spatial de grande échelle. Dès la fin des années 1970, des séries animées japonaises inscrivent leurs mechas et autres robots dans ce genre.

L’espace, nouveau lieu de vie des robots :
Les super robots et autres humanoïdes de la japanime du début des années 1970 évoluaient sur la terre ferme et, à la fin de cette décennie des séries japonaises déplacent leurs univers aux confins des galaxies. Ainsi naissent en 1978 des séries space opera adaptées des mangas de Leiji Matsumoto, telles que Galaxy Express 999 et Albator 78. Les deux œuvres mettent en scène des voyages initiatiques dans l’espace, avec une large galerie de personnages. Le futur permet d’y intégrer de manière crédible des humains robotisés ou des robots domestiques. Produite par les mêmes studios la même année, Capitaine Flam (Capitaine Future) est adaptée des romans space opera d’Edmond Hamilton. Les mechas rejoignent vite le genre dès 1979 avec Mobile Suit Gundam.

Des épopées dramatiques :
L’entrée des mechas dans l’espace signe également leur entrée en guerre. Les real robots de Mobile Suit Gundam sont des armes utilisées lors d’un affrontement à échelle galactique. Dans l’ensemble, les pilotes de mechas deviennent des soldats et subissent les conséquences des conflits. La mort plane sur les intrigues. A ce titre, la série Space Away Ideon (1980) s’illustre dans l’art de tuer tout ses personnages. Vestige d’une civilisation extraterrestre, le mecha gigantesque Ideon est de nature divine et sa puissance capable d’anihiler toute une civilisation... Son créateur, Yoshiyui Tomino, également auteur de la série Gundam, fut surnommé par ses fans “Kill’Em All Tomino”.
Les séries japonaises animées de space opera sont de manière générale empreintes d’une certaine mélancolie.

Aventures musicales :
La musique joue souvent un rôle important dans ces space operas animés. La bande originale de Capitaine Flam est marquée par des musiques d’ambiance teintées de jazz et de disco. Plusieurs albums sont sortis au Japon. Son compositeur Yuji Ohno a aussi créé celles de la série Space Cobra (1982) appartenant au même genre. Comme le suggère son titre, Cowboy Bebop accorde au jazz et au blues une place déterminante, qui lui confèrent une tonalité singulière, nostalgique et décalée. Composée par Yoko Kanno et son groupe The Seatbelts, cette B.O valut à la série d’être élue anime “doté de la meilleure bande originale de tous les temps”, selon le site IGN en 2006. Lancée en 1982, la saga de mechas Macross souligne l’importance vitale de la musique avec le personnage de la chanteuse populaire Lynn Minmay, sorte de muse guidant les pilotes et réchauffant même les cœurs de l’ennemi grâce à ses chansons. Les vaisseaux transformables de la série s’appellent “valkyries”, un probable hommage à Wagner.
6. Neon Genesis Evangelion : rupture dans la japanime

Shin Seiki Evangerion (L’Evangile du Nouveau Siècle), production du studio Gainax, a été diffusée au Japon en 1995. Cette série de 26 épisodes, réalisée par Hideaki Anno, a fait date grâce à sa tonalité sombre et son scénario complexe mêlant science-fiction et références judéo-chrétiennes.
Quinze ans après un cataclysme ayant ravagé la Terre, Tokyo-3, la capitale-forteresse reconstruite du Japon, est attaquée par de mystérieux monstres géants appelés “Anges”. Seul moyen de les combattre, l’Evangelion, ou Eva, mecha sophistiqué construit par la NERV, une organisation secrète. Son chef appelle à ses côtés son fils Shinji Ikari, un garçon tourmenté de 14 ans, afin qu’il en devienne l’un des pilotes. Le sort de l’humanité est entre ses mains...

Pilotes, sauveurs et victimes :
Héritage des real robots, les thèmes du dilemme moral et de la responsabilité sont enrichis et renouvelés. Les pilotes des Eva (appelés “children” en raison de leur âge) doivent combattre quitte à se sacrifier, eux ou leurs proches. Shinji fugue et se dérobe à plusieurs reprises ; “je ne dois pas fuir” est une réplique culte de la série. Bien qu’il existe un pilotage automatique, ce sont les choix des pilotes qui sont déterminants. Au-delà de ses actions immédiates, le personnage du pilote résonne ici avec image de soi et conscience de ses actes.

Machines organiques :
Fusionnel est le lien entre les children et leur Eva. Celle-ci est dotée d’une personnalité qui rejette ou adopte son pilote, suivant leur taux de synchronisation, allant parfois même jusqu’à ­l’absorber et le dissoudre en elle.
Les métaphores avec la ­maternité et la ­sexualité ­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­sont nombreuses, la cabine de pilotage suggérant l’utérus. Lors d’une scène de combat sanglante durant laquelle la folie ­s’empare de l’Eva-O1, l’armure saute et dévoile organes, muscles et sang. Anges et Eva partagent 99,9% de leur ADN avec l’humain. Ce traitement du mecha questionne les liens entre humanité et machine de manière inédite : si les armes sont à la fois salutaires et dangereuses, c’est peut-être parce qu’elles nous ressemblent.

Quand le mecha questionne l’animation japonaise :
Bien que la mise en scène soit d’emblée surprenante, mêlant plans fixes, surimpressions et animation de haute qualité lors des combats, les deux derniers épisodes détonnent. Au lieu de résoudre les intrigues politiques et de conclure sur un combat, la série se concentre sur le monologue intérieur de Shinji. L’animation passe de l’abstraction à des croquis fixes à peine coloriés. Un monde utopique est proposé au héros, semblable à ceux de la japanime habituelle : gags, héroïnes sexy, person­­nages caricaturaux...
Ce monde que Shinji refuse, n’est-t-il pas celui que les otakus attendaient, auquel Hideaki Anno appartient aussi, et qu’il se refuse jusqu’au bout de servir à son public ?

Une fin alternative :
Recevant des menaces de mort de ses fans déçus, Anno a réalisé une fin alternative sous forme de film, The End of Evangelion (1997). Il a également mis en œuvre un remake de la série depuis 2009, Rebuild Evangelion, dont les trois premiers longs métrages sont déjà parus.
7. Le studio Gainax, mechas et robots d'exception

Créé le 24 décembre 1984, le studio Gainax est à l’origine de nombreuses séries animées mettant en scène mechas et autres androïdes. Son nom est tiré du mot “gaina” issu d’un dialecte japonais et signifiant “énorme”, “superbe”. Il reflète l’ambition de ce studio atypique.

Des amateurs devenus pros :
L’aventure Gainax débute par un court-métrage d’animation réalisé par une bande d’étudiants en art, parmi lesquels Hideaki Anno, futur réalisateur d’Evangelion. Avec son personnage féminin combattant monstres, robots et vaisseaux issus de Gundam, Star Trek ou Godzilla, le travail de cette bande d’otaku (fanatiques de japanime) se fait remarquer en 1981 au Daicon, festival de science-fiction japonais. Deux ans plus tard au même festival, leur nouveau court-métrage attire l’attention de la marque Bandai qui produit leur long-métrage, Les Ailes d’Honnéamise.
Le projet est d’une telle ampleur qu’il nécessite la création de leur propre studio ; la Gainax est née. Malgré l’échec commercial du film, le studio persévère et obtient la reconnaissance de la presse spécialisée grâce à sa série de films Gunbuster, sortie en 1988.

Exigeance et originalité :
Les productions Gainax se distinguent en effet par une animation soignée et des choix de mise en scène radicaux et élégants. Gunbuster raconte l’aventure spatiale de Noriko, une jeune adolescente rêvant de combattre la menace extraterrestre à bord d’un performant mecha. La série renouvelle le genre grâce à une narration fragmentée, la forte présence de la typographie à l’image et son dernier segment en noir et blanc. Ces choix d’auteur témoignent de la patte d’Hideaki Anno, développée dans la série Nadia, le secret de l’eau bleue (1991), où figurent déjà machines futuristes, mythes antiques et cyborgs, ainsi qu’une tonalité sombre. Ce style atteint sa maturité avec la série Neon Genesis Evangelion (1996), qui éclipse toutes les séries de mechas de l’époque. Le studio diversifie ensuite ses productions, mais revient au mecha avec Fuli Culi (Katsuya Tsurumaki, 2000) et Gurren Lagann (Hiroyuki Imaishi, 2007), des séries à la sensibilité déjantée, mêlant combats, romance et burlesque.

Hideaki Anno, l’héritier probable de Miyazaki ? :
Le réalisateur emblématique de la Gainax reste Hideaki Anno, dont le style frôle le genre expérimental. Son destin est intimement lié à celui d’Hayao Miyazaki. Bluffé par ses talents d’animateur débutant, ce dernier l’engage sur son film Nausicaä de la vallée du vent (1984) pour animer le robot géant en décomposition. Se noue une relation d’estime réciproque, qui permet à Anno d’adapter quelques années plus tard l’ébauche d’un projet de Miyazaki, sous la forme de Nadia, le secret de l’eau bleue projet que Miyazaki reconsidère 1986 pour en faire Laputa, le château dans le ciel. En 2012, le studio Ghibli réalise Giant God Warrior in Tokyo, un court-métrage financé par Anno mettant en scène le robot géant de Nausicäa, comme en hommage à leur rencontre. Un an plus tard, Anno prête sa voix au héros du Vent se lève de Miyazaki. Ce dernier aurait désigné Anno comme son digne successeur dans le monde de la japanime.
8. Ghost in the Shell : qui de l'humain, qui du robot ?

Après les longs-métrages Patlabor 1 et 2, Mamoru Oshii délaisse les mechas pour le thème du cyborg en 1995 avec le long métrage Ghost in the Shell. Adapté du manga de Masamune Shirow, ce film de science-fiction raconte la traque d’un cybercriminel par la section anticriminelle n°9, dont fait partie l’héroïne, la cyborg Motoko Kusanagi.

Quête d’identité :
Située aux alentours de 2030 dans un milieu urbain s’inspirant de Tokyo et Hong Kong, l’intrigue mêle complots politiques et questionnements philosophiques. Ces derniers prennent le pas sur les premiers au fur et à mesure que le récit se resserre sur la traque du cybercriminel Puppet Master, capable de prendre le contrôle des corps de civils à distance et d’effacer leur mémoire. Alors que le terroriste se révèle être un virus informatique et tente d’entrer en contact avec la cyborg Kusanagi, le trouble s’installe : quelle est la véritable nature de cette dernière ? Pourquoi est-elle perturbée par les appels du “marionnettiste” ? Fusionnant avec lui à l’issue du film, Kusanagi donne naissance à une nouvelle forme de vie, ni humaine ni mécanique.

Le jeu des apparences :
Le film explore les interrogations du personnage et le thème du transhumanisme. Le titre, traduisible par “le fantôme dans la coquille”, exprime bien cette question du lien entre l’âme et le corps qui travaille Kusanagi, dont seul le cerveau est d’origine. La mise en scène ne cesse de traduire ce trouble à travers toute une série de doubles : nombreux reflets, mannequins en vitrines et personnages féminins aux allures de poupées. Le générique d’ouverture, rythmé par la musique du compositeur Kenji Kawai, présente la fabrication de la “coquille” de Kusanagi, comme une nouvelle naissance d’un corps à la fois œuvre d’art et objet scientifique érotisé. La sensualité du moulage de ses formes conjuguée aux affichages numériques et à l’imagerie médicale en a fait un extrait culte de la japanimation.

Héritages et postérité :
Franc succès au box-office dès sa sortie au Japon, Ghost in the Shell a marqué de nombreux réalisateurs. James Cameron le cite comme source d’inspiration, tout comme les sœurs Wachowski, dont le graphisme du code numérique vert dans leur trilogie Matrix doit beaucoup au film d’Oshii. La naissance du personnage de Liloo dans Le Cinquième élement de Luc Besson est également un héritage du générique iconique.
La franchise Ghost in the Shell compte trois autres long métrages, dont le deuxième, Ghost in the Shell 2 : Innocence (2004), également réalisé par Oshii, a figuré en compétition au festival de Cannes. Trois séries animées Ghost in the Shell sont aussi produites dans les années 2000 : Stand Alone Complex, Stand Alone Complex 2nd GIG et Ghost in the Shell - Arise : Alternative Architecture.
Un remake hollywoodien du film de 1995 est sorti en 2017. Kusanagi est incarnée par Scarlett Johansson et le Puppet Master n’est plus un virus mais un cyborg déchu joué par Michael Pitt.
9. Le cyberpunk, ou l'évolution technologique des robots

Les années 1980 voient l’avènement d’un miracle économique japonais. Le pays se consacre aux secteurs de l’information et des technologies de pointe, notamment en matière d’informatique. Tokyo devient l’un des pôles financiers les plus importants au monde. Le miracle cesse avec la récession des années 1990. Entre-temps est apparu le genre cyberpunk qui marque toute une période de la japanime et ses robots.

Une technologie dangereusement nouvelle :
Apparu en 1984, le terme “cyberpunk” désigne à l’origine un genre littéraire de science-fiction, qualifiant des fictions situées dans un futur proche, dont les sociétés sont technologiquement très avancées, notamment dans le domaine cybernétique. Le terme s’étend à tous les genres artistiques et marque les productions animées japonaises, dont les univers sont régis par l’informatique et l’électronique, souvent menaçantes. Perfectionnés, les mechas de la série et des films Patlabor (1989 et 1993) sont souvent sujets à une perte de contrôle alors qu’ils servent la police. Ceux de la série Bubble Gum Crisis (1987), appelés Boomers, échappent à leur mission initiale et se révèlent monstrueux. Le corps bionique est souvent le résultat d’une société libérale modifiant la nature des hommes et leurs repères.

Derrière la technologie, la politique :
La guerre, le terrorisme et les disparités sociales hantent les univers cyberpunks de la japanime des années 1980 à 2000. La reconstruction technologique est souvent due à une dévastation causée par une guerre mondiale, comme dans le film Appleseed (1988), ou bien le fait de multinationales aux desseins suspects, telle GENOM, à l’origine des créatures biomécaniques de Bubble Gum Crisis. L’androïde Gally (des films Rusty Angel et Tears Sign,1993, de la franchise Gunnm) vit dans un monde divisé en deux zones, séparant privilégiés et rebuts de la société. Les complots politiques chers à Mamoru Oshii traversent ses films Patlabor 1 et 2 ainsi que ses deux de Ghost in the Shell, dans lesquels mechas et cyborgs doivent combattre à la fois multinationales véreuses et pirates informatiques.

Les marginaux, nouveaux héros :
Le pirate, en anglais “hacker”, est un personnage emblématique du genre cyberpunk. Selon Bruce Sterling, “le courant cyberpunk provient d’un univers où le dingue d’informatique et le rocker se rejoignent (…)”. Cette esthétique parfois agressive met en scène de nombreux personnages solitaires, déracinés, austères, souvent dotés de prothèses et autres modifications corporelles technologiques, tels les cyborgs Batou et Kusanagi de Ghost in the Shell. Si certains personnages luttent contre la cybercriminalité, comme Noa Izumi de Patlabor, ou les cyborgs Dunan et Bri d’Appleseed, le terrorisme est malgré tout présenté comme un produit d’une société libérale lisse et aliénante. Le pépin de pomme génétiquement modifié d’Appleseed représente à la fois l’espoir d’une renaissance, mais aussi le grain de sable dans l’engrenage...
10. Cyborgs, androïdes, l'humanité en question

Mechas et super robots ne représentent pas l’ensemble des personnages mécaniques de la japanimation. Le cyborg, créature à la fois humaine et mécanique, ainsi que l’androïde, machine à part entière, ont eux aussi la part belle, tout comme les ordinateurs hantés...

Des blindés écorchés vifs :
Dès les années 1980, le personnage du cyborg possède ses codes. Les capacités de son corps modifié (force exceptionnelle, rayon destructeur, analyse de données, etc.) servent une bonne cause. Batou et Kusanagi de la franchise Ghost in the Shell luttent contre la criminalité au sein de la section 9, tandis que l’espiègle Cobra (de la série Space Cobra, 1982) et Jet Black (de la série Cowboy Bebop, 1998) chassent les criminels de l’espace à l’aide de leur bras mécanisé. Parfois corsaires (Cobra, Jet Black, Toshiro d’Albator 1984), solitaires et intrépides, les cyborgs sont souvent des êtres raffinés, appréciant le luxe d’un cigare et d’un whisky, ou bien le jazz, la culture des bonzais et la lecture de Goethe. Sous leurs airs un peu rustres ou maladroits, ils partagent un sens de la justice et du sacrifice.

Corps morcelés, blessures intérieures :
Ce corps entièrement construit ou recomposé amène leurs hôtes à se questionner. A la fois source de pouvoir et de souffrance intérieure, il constitue la trace d’un passé douloureux ou une source de doutes identitaires. Les corps de métal des frères Edward et Alphonse de Fullmetal Alchemist (séries de 2003 et 2010) sont le résultat d’une punition pour avoir enfreint les règles de l’alchimie ; Jet Black a dû remplacer son bras suite à une trahison. Aux corps virils et fragmentés des hommes répondent les corps lisses, homogènes et souvent érotisés des personnages féminins. Ces apparences sont le reflet d’une nature trouble et mystérieuse. Tima, l’angélique androïde du film Metropolis de Rintaro (2001) et la sensuelle brune Gally des films Gunnm (1993) ignorent leur passé et désirent avoir une âme. La major Kusanagi du film Ghost in the shell, torturée par son humanité incertaine, est la plus représentative de ces problématiques.


Au-delà de l’humanité : l’immortalité :
Cyborgs et humanoïdes de la japanime expriment les questionnements d’une société tiraillée par son développement technologique et les dangers de celui-ci. L’attrait du Japon pour la robotique travaille ses auteurs, qui anticipent dès les années 1980 la notion de transhumanisme. Ainsi, Toshiro Yama, fidèle compagnon d’Albator et constructeur de l’Arcadia, meurt physiquement mais demeure immortel grâce à son âme enregistrée dans l’ordinateur du vaisseau. On retrouve ce thème dans N. G. Evangelion avec Magi, l’ordinateur créé par la scientifique Naoko Akagi, dont les trois facettes Casper, Balthazar et Melchior correspondent à celles de la femme, la mère et la scientifique qui sont en elle. Enfin, le choix de fusion de Kusanagi avec le virus informatique à la fin de Ghost in the Shell propose une nouvelle forme de vie, au-delà de l’humanité.
11. Corps mécaniques et japanime cinéphile

Western, film noir et de yakuzas, expressionisme allemand, science-fiction et nouvelle vague, dessins animés... Le cinéma est une vaste source d’inspiration pour la japanime.

Pygmalion et Frankenstein à la japonaise :
Le mythe du sculpteur Pygmalion, Pinocchio le pantin et la créature de Frankenstein : ces récits occidentaux imprègnent le traitement du corps mécanique dans la japanime. Adaptation fameuse du roman de Mary Shelley, le Frankenstein de James Whale de 1931 avec Boris Karloff a popularisé le personnage dans l’imaginaire collectif. Issu du film collectif Robot Carnival (1987), le court-métrage Frankenstein’s Wheel de Koji Morimoto s’y réfère explicitement, tout comme Osamu Tezuka avec son robot Astro. Adapté du manga de ce dernier, le film Metropolis de Rintaro synthétise toutes ces influences. Ce remake du film de 1927 de Fritz Lang ajoute à l’intrigue sociale et politique de l’original les questionnements identitaires du robot féminin. Questionnements également au centre de Blade Runner (1982) de Ridley Scott, qui a inspiré Oshii pour Ghost in the Shell.

L’influence de la Nouvelle Vague :
La japanime témoigne d’un intérêt pour ce mouvement du cinéma français, né à la fin des années 1950. Jean-Paul Belmondo, l’acteur d’A bout de Souffle (1960) et de Pierrot le fou (1965) de Jean-Luc Godard, a notamment inspiré le design du héros de Cobra (1982), ainsi que les attitudes de Spike de Cowboy Bebop (1998), deux space operas comprenant des cyborgs et autres humanoïdes. Un épisode de Cowboy Bebop s’intitule même Pierrot le fou. Quant à la série Ghost in the Shell, Stand Alone Complex fonde l’intrigue l’épisode 3 SA : Androïde, mon amour autour d’A bout de souffle. La bobine du film Alphaville du même cinéaste y figure également. La mise en scène de Jean-Luc Godard inspire jusqu’à celle d’Evangelion, accordant au montage et à l’intégration de l’écriture dans l’image une place inhabituelle dans une série mecha.


Le dessin animé comme référence :
La japanimation ne cesse d’évoquer le monde du dessin animé : ainsi, le design de Spike de Cowboy Bebop emprunte à celui de Lupin III, le cambrioleur héros de plusieurs séries et films animés japonais, dont Le Château de Cagliostro (1979), une réalisation de Miyazaki elle-même ouvertement inspirée de La Bergère et le ramoneur, l’esquisse du Roi et l’Oiseau de Paul Grimault (1979). Le robot géant de ce dernier, capable de détruire comme d’être bon, a pu inspirer celui de Laputa, le château dans le ciel (1986). Les courts métrages de Robot Carnival multiplient les clins d’oeil à Astro Boy, Gundam, Akira, mais aussi aux Maîtres du temps, long métrage de René Laloux et Moebius (1982). L’un d’eux, Nightmare (Takashi Nakamura), aurait même fait de son personnage principal la caricature du réalisateur Rintaro ! Toutes ces influences mélangées et digérées indiquent la volonté de la japanime de se revendiquer à la fois comme art populaire et art noble, du même prestige que les grands classiques du cinéma et de la télévision.
12. Corps mécaniques et fantasy

Rares sont les dessins animés japonais à représenter des corps mécaniques en dehors de la science-fiction pure. On en compte cependant qui appartiennent à des sous-genres de la fantasy, terme issu de l’anglais désignant une fiction marquée par le surnaturel, l’irruption de la magie, et un contexte souvent lié au mythe.

Influence du médiéval :
La high fantasy et l’heroic fantasy, deux genres où les combats et la magie occupent une place importante, reprennent des créatures telles que les elfes, fées, trolls. On y relève la présence d’armures métalliques à l’occidentale. Ainsi, les ennemis Tolmèques de Nausicaä de la vallée du vent (Hayao Miyazaki, 1984) revêtent casques et cottes de mailles et portent des épées, tandis que le dieu guerrier ressemble à une armure géante qui aurait pris vie. Le monde de cette fiction se situe dans un futur à la géographie inventée, mêlant technologie avancée et quotidien moyenâgeux. Celui de la série Vision d’Escaflowne (Kazuki Akane, 1996) associe hologrammes et chevalerie. De même, dans les séries (1998 et 2016) et films Berserk (2012), les combattants ont des titres de chevaliers, manient l’arme blanche et sont associés à des couleurs.

Le corps mécanique, une malédiction :
Mythes et magie influent sur le destin de ces corps mécaniques en les chargeant de symbolique. Le dieu guerrier de Nausicaä sé décompose comme une charogne ressuscitée, symbole de transgression des lois de la nature par les hommes. La princesse Kushana, peu respecteuse de la faune, voit son bras mangé par des insectes et remplacé par une prothèse métallique. Les frères Elrich des séries Fullmetal Alchemist (2003) et Brotherhood (2010), punis pour avoir tenté de ramener à la vie leur mère par l’alchimie, perdent l’un le bras droit, et l’autre son corps entier, remplacés respectivement par une prothèse articulée et par une armure de chevalier vide. Enfin, l’armure dont hérite Guts, le héros de la saga Berserk dans la série de 2016, est comme un second corps fusionnant avec son propriétaire. Le pouvoir de l’armure a un coût : assoiffé de sang, son hôte perd la raison et terrifie ses compagnons.

Une autre perspective :
Les corps mécaniques de la fantasy évoluent dans un univers parallèle, comme une allégorie de la faute humaine. Contrairement aux univers cyberpunk ou de stricte science-fiction, ils représentent moins notre futur probable et ses risques, qu’une relecture du passé et des mythes vus à travers le prisme du merveilleux. La série Vision d’Escaflowne intègre ses mechas dans un univers situé dans l’espace, mélangeant science-fiction, romance et combats chevaleresques. Loin des explications scientifiques des autres real robots, la série se tourne vers une magie mystique, mélangeant cartomancie et visions prophétiques. L’univers de Full Metal Alchimist mêle références au Moyen-Âge occidental, à la révolution industrielle et au troisième Reich. La trilogie des films Berserk (2012) raconte les dangers de la soif de conquête du terrible Griffith, à l’armure immaculée...
13. L'image des femmes : entre femmes-objets et féminisme

Les robots de la japanime apparus dans les années 1960 séduisent en premier lieu le public masculin. Si la plupart des séries perpétuent des codes volontiers sexistes, certaines œuvres sont plus subtiles, voire prennent le parti inverse.

Stéréotypes sexistes :
D’Astro Boy à Mazinger Z, la présence de personnages féminins est faible dans les anime de robots et mecha. Séduisantes avant tout, elles jouent les faire-valoir des héros. Ce sexisme est encouragé par le public japonais, qui voit d’un mauvais œil la multiplicité des personnages féminins pilotes de Goldorak. Si leur nombre augmente dans les anime, notamment de mecha à partir de Gundam, les séries aiment à nous rappeler que leur psychologie est d’une nature différente, jusqu’à faire de la pilote d’Hayase de Macross une femme au foyer potentielle, qui retrouve le sourire en préparant un repas. Bien qu’elles aient une incidence sur les combats, les femmes y jouent souvent un rôle de muse, comme Lynn Minmay dans Macross, ou de guide, comme Hitomi dans Escaflowne ; mais leur qualités militaires sont reconnues, comme pour Sayla et Mathilda de Mobile Suit Gundam.

Erotisme et fan service :
Dès la fin des années 1970, les personnages féminins se multiplient : pilotes de mecha, robots ou androïdes, leurs corps sont pour la plupart érotisés. Ces personnages servent de prétexte pour assurer auprès du public le “fan service”, pratique consistant à assouvir ses besoins de fantasme grâce à un contenu à connotation sexuelle, parfois au détriment de la narration. Ainsi, Cobra, tout habillé, est entouré de femmes pulpeuses à peine vêtues, tout comme le sont Yuko de Gurren Lagann, Noriko de Gunbuster, Faye de Cowboy Bebop, et les diverses versions de la cyborg Kusanagi dans les séries Ghost in the Shell... Certaines séries font même de ce principe leur argument majeur, comme le mecha Vandread (2000, studio Gonzo). Néanmoins, l’érotisme du corps de Kusanagi dans les films Ghost in the Shell témoigne surtout d’une fascination pour la plastique des machines.

Représentations féministes :
Quelques œuvres portent un regard plus valorisant sur les personnages féminins. La cyborg de Mamoru Oshii, austère et tourmentée, passe d’un corps féminin sensuel à une musculature virile au bord de l’implosion. Les princesses Nausicaä et Kushana de Nausicaä de la vallée du vent de Miyazaki sont des guerrières intelligentes guidées par leurs responsabilités politiques. Neon Genesis Evangelion compte davantage de personnages féminins que masculins, jouant des rôles majeurs dans l’intrigue. Toutes sont reconnues pour leurs compétences : de pilotes pour Rei et Asuka, de militaire pour la major Katsuragi, de scientifiques pour Ritsuko et Naoko Akagi. Les rares scènes de “fan service” sont désamorcées par un élément sombre, et la nudité est souvent synonyme de gêne entre les personnages. Traité hors champ, le sexe advient à des fins politiques plus que romantiques. Enfin, la romance homosexuelle suggérée dans Evangelion bouscule certains codes de représentation amoureuse.
14. Années 2000 : prolifération du mecha

A la fin des années 1990, la japanimation est profondément ancrée dans la culture populaire nippone. Afin de stimuler l’intérêt du public, les studios développent les productions mecha.

Poursuite des sagas :
Les grandes franchises du mecha japonais accouchent de nombreuses suites. Gundam connaît ainsi plus d’une dizaine de séries et de films dérivés de son original, ciblant souvent le public féminin. Celui-ci est conquis dès 1996 par la série Gundam Wing, dont Gundam SEED (2003) reprend la clef de la réussite : cinq personnages masculins séduisants inspirés des codes du manga gay japonais. Considérée comme sa rivale, Macross multiplie également les œuvres dérivées, avec quatre films de 2002 à 2010, et la série Macross Frontier en 2008. Les univers de ces fictions sont conservés. Les images de synthèse y sont parfois mélangées au dessin animé traditionnel dans un souci de modernité graphique, tandis que le design originel des personnages est abandonné. Appleseed est adapté en trois longs métrages en 3D, tandis qu’Evangelion est réécrite en série de films.

Retour des real robots :
Neon genesis Evangelion impulse un certain renouveau du mecha. Les séries dites “post-Evangelion” ancrent leurs robots dans des univers de science-fiction teintés d’influences religieuses et les plongent dans des intrigues complexes, telles que Brain Powerd, réalisée par Yoshiyuki Tomino, l’auteur de Mobile Suit Gundam. RahXephon (2002) est remarquée pour son graphisme élégant, sa tonalité mélancolique et son scénario travaillé. Dans l’ensemble, les mechas des années 2000 perpétuent la tradition des real robots, armes pilotées au service d’une lutte : contre les extraterrestres dans Gurren Lagann d’Hiroyuki Imaishi, contre l’envahisseur “Britannia” dans Code Geass : Lelouch of the Rebellion (Takahiro Kimura, 2006). Cet anime s’inscrit dans la lignée de mechas tels que Gundam par l’importance accordée au contexte politique, opposant nationalistes japonais et impérialistes occidentaux. La série enrichit le genre en basant son intrigue sur les choix de stratégie du héros, prodige au jeu d’échecs, tout en incorporant des éléments de fantasy.

Une tonalité nouvelle :
Dans les années 2000, le mecha se renouvelle également en prenant ses distances avec la voie dramatique habituelle. Les séries conservent le canevas initial d’un conflit armé ou d’une menace de l’humanité, parfois post-apocalyptique, mais dans une tonalité enjouée, misant en grande partie sur l’humour. C’est le cas d’Overman King Gainer (2003, de Tomino, encore !) et d’Eurekâ Seven (2006, Tomoki Kyoda). Ces aventures sur fond de romance mièvre mettent souvent en scène un pilote adolescent naïf et ne se privent pas de glisser des allusions graveleuses. Gurren Lagann se distingue en pastichant ouvertement les codes des real robots, faisant de la caricature un style travaillé. Enfin, Gundam a droit à sa version parodique avec les séries SD Gundam, (Super Deformed), qui détournent la franchise grâce à ses personnages à grosse tête et son approche décalée.
15. Au coeur du robot, le mythe

Qu’ils soient grecs, mayas ou judéo-chrétiens, les mythes parcourent la japanimation, qui emprunte leurs symboles et leurs récits pour les réécrire du passé au futur.

Pilotes : des héros prophétiques :
Depuis Mobile Suit Gundam avec le personnage d’Amuro, le pilote apparaît souvent comme un élu à qui il revient de sauver l’humanité. Doué de la capacité quasi innée de contrôle sur la machine, il apporte son humanité à ce qui deviendrait sans cela une arme dévastatrice. “Toi le jeune homme, tu deviendras un mythe” : comme l’annonce le générique de Neon Genesis Evangelion, la mission du pilote est souvent formulée par une prophétie. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles le géant guerrier du film Nausicaä de la vallée du vent (Hayao Miyazaki, 1984), dépourvu de pilote attitré, s’effondre sur lui-même, alors que dans le manga du même auteur il parvient à survivre plus longtemps en étant dirigé par une héroïne déterminée à servir le Bien. Celle-ci est annoncée dans les légendes de la vallée comme l’être vêtu de bleu, pourvu de grandes ailes blanches”, une sorte d’ange moderne.

Références bibliques :
La mythologie chrétienne infuse les œuvres de la japanime traitant de robots et humanoïdes. Dans ce domaine, Neon Genesis Evangelion est emblématique, empruntant librement à la Bible les anges, Adam, Lilith, et autres symboles tels que le crucifix. Mamoru Oshii en insère également dans Patlabor (1989) avec son scientifique surnommé Jehova et l’occurrence du nombre 666 (nombre du diable), mais aussi dans Ghost in the Shell (1995) dans lequel apparaît l’arbre de vie. Les mégalopoles sont souvent comparées à celles de la Bible, comme celle de Patlabor (1989), nommée Babylone. La tour de Babel figure dans la série Nadia le secret de l’eau bleue (Hideaki Anno, 1991) d’où provient le cyborg Néo. Elle est évoquée graphiquement par la cité en étages circulaires de Laputa, le château dans le ciel de Miyazaki (1986), dont les survivants sont des robots ayant survécu à l’orgueil de leurs maîtres.

Antiquité et science-fiction :
Issu de la mythologie grecque, l’“hybris”, orgueil fatal et démesuré des humains, est récurrent dans la japanime. Cette dernière articule souvent science-fiction et mythes antiques, notamment celui d’Icare, dont les ailes de cire fondirent près du soleil. La courageuse pilote de Gunbuster (1988) ne paye-t-elle pas son combat en mecha dans la galaxie par la perte de ses proches, morts car éloignés par trop d’années-lumières ? Le mythe du créateur tout puissant, le démiurge, parcourt également les œuvres traitant des robots et de leur fabrication, de Astro Boy à Metropolis de Rintaro (2001). Hérité du mythe grec du sculpteur Pygmalion, il permet de mettre en avant les relations entre scientifiques et robots. Il est pris à rebours dans Code Geass (2006) et Gurren Lagan (2007) où les démiurges sont les pilotes. L’Atlantide évoquée par Platon est quant à elle évoquée dans Vision d’Escaflowne (1995), Laputa, le château dans le ciel et Nadia le secret de l’eau bleue. Ces références enrichissent les univers de science-fiction d’une dimension philosophique, d’une réflexion sur la complexité des natures humaine et mécanique.

Présentation : De Astro Boy à Fullmetal Alchemist en passant par Ghost in the Shell, l'animation japonaise regorge de corps mécaniques et autres transhumains. Avec cette exposition ces personnages emblématiques n'auront plus aucun secret pour vous !

Informations pratiques : L'exposition est composée de 16 panneaux illustrés rigides et légers de 60x105 cm, dont un panneau d'ouverture. En complément, nous vous proposons une affiche qui vous permettra de communiquer autour de cette exposition auprès de vos adhérents.

Questions et réservation : Contactez-nous pour tout renseignement complémentaire et cliquez sur le bouton ci-dessous pour réserver l'exposition !

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Sommaire

Ouverture
1. Astro Boy (1963) : la première série animée japonaise
2. Super robots : l'apparition du genre Mecha, armure robotisée
3. L'avènement des real robots : Mobile Suit Gundam, le mecha révolutionné
4. Le robot et le marché du jouet japonais
5. Space opera et corps robotiques
6. Neon Genesis Evangelion : rupture dans la japanime
7. Le studio Gainax, mechas et robots d'exception
8. Ghost in the Shell : qui de l'humain, qui du robot ?
9. Le cyberpunk, ou l'évolution technologique des robots
10. Cyborgs, androïdes, l'humanité en question
11. Corps mécaniques et japanime cinéphile
12. Corps mécaniques et fantasy
13. L'image des femmes : entre femmes-objets et féminisme
14. Années 2000 : prolifération du mecha
15. Au coeur du robot, le mythe

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